Après

Après, il fallait y penser avant. Après, je le vois venir, avec ses voitures qui réinvestissent déjà la ville. Je l’entends avec ces idées qu’il faudrait se conformer à des injonctions de relance sans même prendre le temps d’y penser. Je le sens s’insinuer dans les considérations comptables qui justifient déjà des annonces de licenciements. Je le crains, avec ses « on voudrait bien, mais vous comprenez…». Je suis passée, hier après-midi, devant ce vieil hôtel, qui est fermé depuis tant d’années que j’en ai perdu le compte. Il tient encore debout, à l’aide de renforts qui lui servent de colonne vertébrale. Ce curieux rafistolage ne fait pourtant pas illusion. La plupart des ouvertures sont murées, mais quand on s’avance dans la ruelle qui longe la bâtisse sur la droite, on découvre deux encadrements de fenêtres vides. On s’aperçoit alors que ce bâtiment n’est qu’une façade sans plus rien à l’intérieur, sans même de toiture. L’image est belle, pourtant, car elle ouvre des pans de ciel bleu dans ces murs délabrés, que de rares nuages traversent. Cela m’a fait penser à cet après que l’on nous a promis, sonnant comme un de ces « plus jamais ça », que l’on nous a si souvent servi. Cela m’a évoqué ces beaux discours de façade qui masquent un vide qui ne fera qu’alimenter les mêmes moulins, comme toujours. Il y a eu bien d’autres catastrophes, il en est d’autres toujours en cours et nous savons celles à venir. L’après, il le réclame, elle l’appelle, ils le construisent depuis bien longtemps. Les formules à l’emporte-pièce n’y feront rien. Nous sommes aujourd’hui, et nous avons le choix.