Eh bien, je me propose d’arroser ça quand même. Je me serais bien offert un petit verre de vin, mais pour ça, il aurait fallu faire des courses. Je vais devoir me contenter de ce fond de porto éventé, déniché au fond d’un placard. Quand j’ai vu le monde à la supérette, je n’ai pas pu. J’étais motivée pourtant, j’avais des gants, je m’étais cousu un masque avec des restes de tissus et deux bouts de ficelle. C’est sûr, je ne ressemblais à rien mais j’avais un peu l’illusion que je pouvais sortir l’esprit tranquille. Seulement, d’emblée, c’est parti de travers. J’avais l’impression d’être concentrée, pourtant au moment d’appeler l’ascenseur, j’ai réalisé que mes gants étaient bêtement restés dans mes poches et que je venais d’appuyer sur le bouton d’appel avec le doigt nu. Je n’ai pas voulu paniquer, je savais que ça ne représentait pas un gros risque, mais je ne pouvais pas partir comme ça. Je suis rentrée chez moi pour me laver les mains, j’ai enfilé mes gants et je suis sortie à nouveau. Une fois dans la rue, j’ai pris cinq minutes pour respirer le soleil. Ça m’a fait un bien fou. Je serais bien restée là plus longtemps, mais j’ai senti que les deux trois personnes qui étaient entrées dans l’immeuble dans ce laps de temps, m’avaient regardée de travers. Je me suis donc élancée dans la rue. A l’intersection avec le boulevard, j’ai aperçu un homme qui venait dans ma direction. Je me suis sentie un peu bête, mais j’ai changé de trottoir. J’ai accéléré le pas. Arrivée devant le magasin, j’ai été rassurée de voir qu’il n’y avait pas la queue, mais une fois les portes coulissantes passées, je n’ai pas pu. Je les voyais déambuler dans les allées, certains prenant d’infinies précautions, d’autres ne se souciant que d’eux même. Je n’ai pas pu. J’ai rebroussé chemin. Allez, santé ! Et bon anniversaire !