Elsa s’avance sur le plateau tout juste éclairé, un texte à la main. Son regard s’attarde sur les rangées de sièges désertés, plongées dans la pénombre. Elle s’approche de l’avant-scène, mais ses pas résonnent dans le vide sans éveiller l’émotion qui l’envahit d’ordinaire. Depuis trop longtemps, ces moments privilégiés, où le théâtre n’appartient qu’à elle, ne sont plus nourris du bourdonnement de voix qui emplit le théâtre avant chaque représentation. Les nouvelles annulations l’ont prise de court. Elle se dirige vers les coulisses, désemparée, quand Isidore l’interpelle.
ISIDORE Les rats quittent le navire ?
ELSA, se tournant vers Isidore Ah, tu es venu. Je pensais que la répétition était reportée. Je voulais simplement…
ISIDORE Prendre la mesure du désastre ?
ELSA Je ne crois pas. Je n’ai tout simplement pas su quoi faire d’autre. Je me suis conformée à ce qui était prévu. Je suis même arrivée en retard, comme d’habitude. Et toi ?
ISIDORE J’espérais trouver quelqu’un. Je pensais que peut-être tu…
ELSA Je suis là.
Un long silence s’installe. Elsa fixe son texte en semblant s’y perdre. Elle donne l’impression de ne jamais avoir été ailleurs, de ne jamais devoir s’arrêter de parcourir ces lignes. Isidore s’approche lentement d’elle pour lire par dessus son épaule avant de se placer à quelques pas sur sa gauche. Il s’éclaircit la voix.
ISIDORE Un autre te l’aurait dit mieux que moi, mais tu dois l’entendre. Je n’ai pas… Je ne suis pas…
Elle lui fait face, surprise. Il l’interroge du regard avec insistance jusqu’à ce qu’elle comprenne et se penche vers le texte pour lui souffler sa réplique.
ELSA chuchotant Je n’ai pas fait tout ce chemin seulement pour te divertir.