Ici, s’ouvre la version jeunesse des Sorties de cadres, textes portés par les contraintes d’écriture que vous pouvez m’adresser par mail, à l’adresse: mb@traitpourtrait.org, en indiquant votre prénom et votre nom.

Je vous propose de choisir un des trois types de contraintes qui suivent :
– vous m’envoyez une première phrase par laquelle je devrai débuter le texte, et une seconde par laquelle je serai tenue de le terminer.
ou
– vous me donnez 5 mots, que je devrai placer, dans l’ordre, au fil du récit.
ou
– vous me proposez deux prénoms et une situation de départ (exemple: Julie et Adèle sont dans un bateau, perdues au large)

Les versions imprimables se trouvent sur la page !Impression à la maison¡

La brouille

d’après les mots chaise – singe – ordinateur – pain -vendeur, obtenus d’un générateur aléatoire de mots sur internet

Jamais un repas ne m’a semblé si long. Si on excepte bien sûr, ceux des dimanches de fêtes qui s’étirent parfois à grands coups de fourchettes, et laissent à peine le temps de dire ouf, qu’il faut déjà se remettre à table le soir venu. Ceux-là, je les mets à part. L’ambiance dans la cuisine est d’une lourdeur que je peine à qualifier. Mes frères sont fâchés depuis deux jours et refusent non seulement de s’adresser la parole, mais également d’alimenter les conversations que mes parents s’efforcent vainement d’engager sans parvenir à en entretenir aucune. Nous ignorons l’objet de leur désaccord, mais il doit être d’une extraordinaire gravité car jusqu’à aujourd’hui, aucune brouille entre eux n’a jamais duré plus de quelques heures. Alors que mes parents abandonnent la partie, et nous laissent plongés dans un silence lugubre, je tente de me concentrer sur le contenu de mon assiette. Seulement, je ne tiens pas en place sur ma chaise. Je me porte donc volontaire pour aider au moindre changement de plat et je me lève remplir la carafe dès que l’occasion se présente. Je parviens également à prétexter des difficultés à couper un morceau de fromage pour aller changer de couteau.

Pourtant, ces quelques diversions ne suffisent pas. Je trépigne. Je m’affale d’un côté de mon siège, puis de l’autre, avant de me soulever pour attraper le beurre dont je n’ai pas vraiment besoin. Je me réinstalle alors à califourchon quand mon attention est attirée par la chienne Vénus qui traverse la pièce en trainant la patte. Je me penche vers elle pour lui faire de grands signes qu’elle ignore en tournant la tête nonchalamment vers sa gamelle. J’insiste cependant en l’interpellant à voix basse tout en claquant des doigts le plus discrètement possible.

C’est alors que la voix de ma mère s’élève et qu’elle me lance, sans même me regarder :
Arrête de faire le singe, tu m’épuises. Si tu continues comme ça, tu seras privée d’ordinateur jusqu’à la fin de la semaine.

Le mouvement d’ensemble auquel j’assiste alors me semble se dérouler au ralenti. Les visages de mon père et de mes frères se tournent vers elle avec une synchronisation quasi parfaite, pour se figer tout à coup dans la même expression hébétée, marquant leur incompréhension.

Ma mère nous dévisage les uns après les autres, puis elle attrape une tranche de pain qu’elle déchire en deux, en haussant les épaules. Mes frères se regardent sans animosité pour la première fois depuis la veille, avant de me faire un signe de tête qui se veut rassurant. Tandis que mon père se lève pour débarrasser le plateau de fromages, ils s’empressent de courir vers l’arrière-cuisine pour tirer du frigo un choix démesuré de yaourts. Dès qu’ils quittent le réduit, leurs chuchotements cessent. En se rasseyant, ils se raclent la gorge l’un et l’autre avant que Malo, tout en ouvrant son pot de crème au chocolat, ne s’exclame avec un enthousiasme forcé :
Je vous ai raconté la tête qu’a fait le vendeur quand on lui a demandé s’il avait déjà goûté à ces horribles nuggets surgelés dont il fait la promotion ?

Soulagée par cette diversion, je m’installe bien droite sur ma chaise, prête à suivre sans bouger le récit de l’anecdote que mes frères vont agrémenter de grimaces, d’onomatopées et de gesticulations qui m’arracheront sans aucun doute des rires bienvenus. Me sentant observée, je croise le regard de ma mère. Le clin d’oeil qu’elle m’adresse me laisse entrevoir le rôle qu’elle m’a fait jouer dans son stratagème et j’ai la certitude que nous lui devons ce revirement de situation.

La cacophonie

d’après les mots poulpe – nez – mince – poivre -pot, obtenus d’un générateur aléatoire de mots sur internet, teintés de deux anecdotes d’éternuement et d’aboiement

J’imagine que comme moi, vous avez déjà entendu toutes sortes d’histoires ahurissantes. Il est même possible que nous en connaissions certaines qui se ressemblent beaucoup. Cependant, comme c’est la première fois que je vis une telle aventure, je ne résiste pas au plaisir de vous la raconter.

Rien d’extraordinaire ce jour-là, un ciel bleu, pas plus pas moins que celui des jours précédents. Quelques nuages peut-être, de-ci de-là, laissaient entrevoir un changement imminent de temps, mais rien d’alarmant. Non, vraiment, rien de particulier. Si, tout de même, sans que cela ait une influence directe sur ce qui va suivre, je dois préciser que nous avions mangé du poulpe le midi, ce qui n’était jamais arrivé auparavant et que j’ai d’ailleurs trouvé très désagréable. Toutes ces petites ventouses alignées le long des tentacules qui s’agrippent aux papilles gustatives dans le furieux espoir d’en réchapper, quelle affreuse expérience ! Si j’avais été plus attentive, ça m’aurait mis la puce à l’oreille.

Oui, j’aurais dû me méfier. Au lieu de cela, je suis sortie sans prendre garde, pour parcourir les rues jusqu’au parc. J’errais, le nez au vent, sans me soucier de rien, quand un affreux aboiement est soudain venu me tirer de ma rêverie. Surprise par ce manque de savoir vivre, je me suis tournée dans tous les sens à la recherche du responsable. Vous me croirez si vous voulez, car je suis d’accord avec vous, ça n’arrive jamais, je n’ai pas vu un chien, pas un seul, pas même un tout petit minus riquiqui chien-chien aux alentours. Intriguée, je n’ai pas voulu en démordre. J’ai continué mon tour d’horizon, disons plutôt mes tours d’horizon. Sans aucun doute, ils auraient fini par me donner le tournis si je n’avais pas été arrêtée par cette vision saisissante d’une grande femme sans âge soulevant ses longs doigts minces pour les placer devant sa bouche au moment d’éternuer, vous l’aurez deviné : un aboiement.

Vous n’imaginez pas à quel point cela a été perturbant. Pourtant, après trois aboiements supplémentaires, la plaisanterie a cessé comme elle avait commencé. Je n’ai donc pas voulu trop m’en faire. J’avais finalement une sorte d’explication dont je pouvais me satisfaire. Seulement, une question m’empêchait de reprendre ma promenade en oubliant cet étrange événement. Je me demandais si cette femme aux cheveux poivre et sel parlait chien, comme elle éternuait chien, ou si elle ne faisait qu’éternuer chien et continuait à parler humain. Comme je voulais en avoir le cœur net, je me suis approchée d’elle d’un pas décidé, cherchant une question anodine mais pertinente à lui poser de manière à obtenir ma réponse. C’est à ce moment, tenez-vous bien, qu’un chien, un énorme chien est entré dans le parc en se précipitant vers la femme. Il s’est arrêté net à ses pieds, a posé sur sa chaussure la balle qu’il tenait dans la gueule et l’a regardée d’un air idiot en aboyant, vous n’allez pas me croire : un coin-coin de canard.

Je dois avouer que ça en a été trop pour moi. J’ai rapidement décidé de ne pas chercher à en savoir plus de peur d’en perdre les pédales. Je me suis mise à courir sans réfléchir et c’est ce qui m’a amenée à foncer droit dans un énorme pot de faïence dans lequel ne poussait que des mauvaises herbes. Quand il m’a répondu « de rien » alors que je m’excusais distraitement de l’avoir dérangé, j’ai paniqué. J’ai repris ma course dans un grand désordre et c’est avec soulagement que j’ai claqué la porte de la maison derrière moi, accueillie par le ronronnement rassurant d’Aradon, le chat de la famille.

La fanfare

d’après les mots: fourchette – peintre – lanterne – tambour – coffre, obtenus d’un générateur aléatoire de mots

Grami pousse les petits pois à coups de fourchette jusqu’au bord de son assiette. Alors qu’il s’applique à en faire tomber quelques-uns sur la toile cirée, il redresse la tête pour s’assurer que ses parents n’ont rien vu. Quand Belléna, sa mère, lui demande de ne pas jouer avec la nourriture, il soupire bruyamment. Comme les repas sont longs et ennuyeux depuis que la paix avec les humains a été signée et que les ogres ne mangent plus d’enfants. Finis les rôtis, les côtelettes, les petits pieds dodus passés à la broche. Les lardons et les blancs de poulet ne font pas illusion une seconde. Et comme les journées sont mornes, elles aussi. Ses parents, chasseurs célèbres dans tout le pays, ont été forcés de se reconvertir pour devenir peintres en bâtiment, tandis que lui est contraint de préparer les couleurs. Quelle tristesse !

Astor, le père de Grami, lui fait signe de finir son repas d’un mouvement de tête désabusé. Résigné, le petit ogre s’apprête à avaler une fourchetée de pois quand il aperçoit par la fenêtre la lueur d’une lanterne. Alors que l’on frappe à la porte, sa mère sursaute et manque de renverser le verre de jus de grenouilles qu’elle tient à la main. Remise de sa surprise, elle se lève pour aller ouvrir.

L’ogresse découvre alors une petite fille tout habillée de vert, encadrée par deux garçons vêtus entièrement l’un de violet, l’autre de orange. Chacun porte un grand sac sur le dos assorti à ses vêtements. Les enfants fixent Belléna, les yeux remplis d’espoir.

Bonjour madame, nous sommes navrés de vous déranger à une heure si tardive, seulement nous sommes perdus et nous désespérons de retrouver notre chemin un jour, explique la petite fille.

C’est vrai, confirment les deux garçons en hochant la tête avec énergie.

Un épais silence s’abat sur la pièce. Astor se lève en faisant un clin d’œil lourd de sous-entendus à son fils. Il propose alors aux petits d’entrer pour s’installer à table avec eux.

Vous avez l’air affamants, dit-il avant de se reprendre en gloussant, affamés.

Belléna lui adresse une grimace furieuse puis pousse les enfants vers la table pendant que Grami se précipite vers le placard pour leur sortir des couverts.

Tandis que ces invités inattendus dévorent leurs assiettes en serrant les cuillères de leurs doigts potelés, l’appétit des ogres se réveille et l’on entend très distinctement leurs ventres gargouiller bruyamment. La bouche pleine, les enfants racontent qu’ils se sont égarés après une halte à quelques pas de là, sans se soucier de ces bruits étranges. Ils expliquent avec beaucoup de détails que leurs efforts pour retrouver leurs parents sont restés vains, mais qu’ils doivent absolument les rejoindre avant le lendemain soir.

Nous appartenons à une famille de musiciens qui forment une fanfare, précise la petite fille. Nous parcourons le monde de ville en ville. Mes frères jouent du tuba, et moi du tambour. Nous allons malheureusement rater la répétition de ce soir, mais nous ne pouvons absolument pas manquer l’ouverture du Grand festival des fanfares qui débute demain.

C’est tout à fait ça, approuvent les garçons en chœur.

Vous ne parviendrez pas à vous orienter dans la forêt à cette heure-ci, il fait trop noir pour des étrangers. Passez la nuit ici, nous vous aiderons demain à retrouver les vôtres.

Séduit par l’évocation des instruments de musique, Grami est alarmé par la proposition de son père qui cache certainement un plan fatal pour les enfants. Il le soupçonne de… Non, c’est impensable. Dans le doute, il préfère pourtant les éloigner et il s’empresse de leur proposer de le suivre dans sa salle de jeux pour répéter leurs morceaux.

Vous pourrez peut-être me les apprendre. Je joue de la trompette, de la clarinette, du hautbois et de tout un tas d’autres instruments.

– Avec plaisir, s’exclament les trois enfants à l’unisson.

Après quelques couacs, fausses notes et mauvais départs, un air festif s’élève dans la maison. Grami, tout en soufflant dans sa trompette, réalise que la paix n’est pas si absurde et qu’il y a vraiment du bon chez ces enfants. Emportés par le rythme de la musique, Astor et Belléna dansent au milieu du salon, en chantant à tue-tête. Les enfants qui les entendent de l’étage, doivent avouer qu’ils ont du coffre.

La nuit se perd dans ce tourbillon. Au petit matin seulement, Grami entraîne ses nouveaux amis au dehors, tandis que ses parents endormis debout l’un contre l’autre, ronflent à pleins poumons. Connaissant la forêt comme sa poche, le petit ogre guide la fratrie jusqu’au village qui accueille le Grand festival. Les retrouvailles sont incroyablement bruyantes, chaque membre de la famille entamant un morceau de sa composition pour exprimer sa joie. Au moment où Grami veut les quitter, la petite fille le retient pour lui arracher la promesse de revenir le soir même, jouer avec eux.

C’est ainsi qu’est née la première fanfare mixte, ogres-humains, qui depuis parcourt le monde de ville en ville, sans jamais rater l’ouverture du Grand festival des fanfares.

La cavale de Becrouge

sur les phrases Fanny vient juste de sortir de la douche, elle a une serviette sur la tête et Les voisins préparaient le barbecue du soir de Selma Beillevaire

Fanny vient juste de sortir de la douche, elle a une serviette sur la tête. Comme elle s’avance dans la cuisine pour se servir un verre d’eau, Almès entre en courant dans la pièce. La petite fille, très agitée, raconte à sa mère comment Becrouge, son coulpic, a disparu. Il s’est faufilé par un trou creusé dans le muret au fond du jardin et elle n’a pas pu le rattraper. Le drôle d’animal, une boule de poils pas plus grosse qu’une orange, ressemblerait presque à un oiseau avec son bec effilé, d’un rouge flamboyant. Seulement, il se déplace maladroitement en sautillant sur de courtes pattes de poulet car ses ailes sont bien trop petites pour le porter. Ses oreilles de cochon et son œil unique planté au milieu du front, tel celui d’un cyclope, complète cette curieuse allure.

Fanny retire la serviette qui lui couvre la tête et libère ses longs cheveux translucides. Après avoir attrapé leurs anoraks, elle entraîne Almès dans le jardin et ouvre le portail qui donne sur le chemin du Grand bois gelé. La mère et la fille frissonnent à l’idée de devoir s’aventurer dans ce terrible endroit. Elles se regardent un long moment, inspirent profondément avant de se lancer à travers les immenses troncs pétrifiés par le givre. Elles s’arrêtent de temps à autre pour crier le nom de Becrouge, ou soulever une fougère avant de regarder derrière un rocher. Mais elles ne trouvent pas trace de l’animal. Après une demi-heure de recherches, elles sentent le froid mordre leurs orteils, piquer leurs joues et geler leurs oreilles. C’est alors qu’elles se retrouvent face à une girafe du nord, à la fourrure blanche quadrillée de noir, qui se penche pour coller son museau sur le nez d’Almès, qu’elle fixe de ses yeux bleu glacier, les sourcils froncés. Fanny pose la main sur l’épaule de sa fille pour la rassurer. Elle connaît bien les girafes du nord, et elle sait que leur mauvais caractère cache une immense générosité. Elle s’adresse aimablement à elle et lui explique qu’elles recherchent Becrouge, leur coulpic. La girafe du nord relève la tête et déploie son long cou. Elle sourit largement et leur conseille de poursuivre leur route quelques centaines de mètres vers l’ouest, jusqu’à atteindre le Lac du Grand bois gelé. Le chant des pinsons qui y vivent attire les coulpics comme le chant des sirènes attire les marins. Inquiètes, Fanny et Almès se dépêchent de repartir dans la direction indiquée par la girafe. Almès, malgré la fatigue, distance sa mère et parvient la première sur les rives du Lac du Grand bois gelé. Elle pousse un cri d’horreur quand elle aperçoit Becrouge au milieu du lac, raide de froid, les pattes prises dans la glace. Comme elle est la plus légère, elle s’avance avec beaucoup de précautions sur la surface gelée tandis que Fanny entoure une longue mèche de ses cheveux translucides autour de sa taille, pour la retenir si la glace venait à céder. Arrivée près de Becrouge inconscient, Almès doit creuser autour de ses pattes afin de le libérer. Une fois qu’elle y est parvenue, elle le serre contre elle pour le réchauffer tandis qu’elle rejoint Fanny sur la rive. Le coulpic semble si mal en point que Fanny prend Almès sur son dos et coure aussi vite qu’elle le peut sur le chemin du retour. Becrouge qui tremble à présent de tous ses membres, est recroquevillé entre elles deux. Fanny ralentit aux abords de la maison lorsqu’elle sent de petits coups de bec contre son omoplate. Almès glisse au sol, portant toujours Becrouge contre elle. L’animal renifle l’air qui l’entoure, tout en ouvrant son œil encore engourdi. Fanny et Almès sentent à leur tour l’odeur qui a certainement ranimé Becrouge, dont elle connaisse la gourmandise. Avec toute cette agitation, elles avaient oublié que les voisins préparaient le barbecue du soir.

Le monstre de Kersidan

Situation suggérée par Zolan Biron-Sire:
Dini le plongeur, nage en pleine mer avec son fidèle ami Fanai.

Comme chaque fin d’après-midi cet été, Dini le plongeur, rejoint son fidèle ami Fanai qui l’attend sur la plage de Kersidan. Dès que Dini a enfilé sa combinaison, et ajusté son masque et son tuba, les deux garçons s’élancent en riant du côté du rivage.

Ils nagent vers le large, en direction de l’île Verte, quand Fanai s’étonne à la vue d’un étrange rocher, à quelques brasses devant eux. D’ordinaire, aucun îlot n’affleure à cet endroit, pas même durant les grandes marées, lorsque la mer descend si bas que certains reliefs habituellement cachés, émergent tout à coup.

Après avoir alerté son ami, le garçon s’approche du rocher pour en faire le tour. Il cherche ensuite à l’escalader, seulement, sa surface craquelée est si glissante que Dini doit le pousser pour l’aider à grimper à son sommet. L’endroit, peu étendu, est étrangement désert. Pas un coquillage ne s’y est accroché, pas un animal n’y a laissé la moindre trace. Seules quelques algues s’effilochent ici et là.

Alors que Dini s’apprête à monter à son tour, les deux amis sentent une vibration les secouer avec une intensité qui s’accentue rapidement. Fanai est soulevé par un mouvement inexpliqué qui l’entraîne vers le ciel tandis que Dini est repoussé au loin avec une telle violence qu’il s’enfonce quelques mètres sous la mer. Lorsqu’il sort la tête de l’eau, il n’en croit pas ses yeux. Son ami, terrifié, lui fait de grands signes, perché sur la tête d’une créature extraordinaire. L’animal, gigantesque, fixe Dini de son regard brillant de colère, tandis que derrière ses ouïes fumantes s’agite nerveusement une nageoire hérissée de piquants. Il se penche de plus en plus près, observant Dini, sans se soucier de Fanai, assis à califourchon sur son crâne, qui s’agrippe à ses écailles pour ne pas tomber.

Dini est terrorisé, pourtant son esprit est parcouru de scénarios de combats plus fous les uns que les autres qui lui permettraient de terrasser la bête. Alors qu’il envisage de se jeter dans une bataille perdue d’avance, il entrevoit une vague lueur dans les yeux de l’animal. Tandis qu’il jette un œil vers son ami, il voit ce dernier griffer la tête du monstre. Il lui crie alors de le gratter derrière les ouïes et constate que la gueule de la bête se détend. Il perçoit également un ronronnement de plus en plus net. Comme Fanai gratte avec beaucoup d’application, la créature se retourne brusquement sur le dos, le projetant encore plus loin que ne l’a été Dini. Elle se roule dans l’eau, en éclaboussant tout autour d’elle.

Après un moment d’hésitation, les deux amis nagent vers l’animal pour aller lui gratter le ventre, comme on le ferait avec un chat. Assourdis par les ronronnements puissants, Dini et Fanai échangent un regard complice, impatients de connaître la réaction des membres de leurs familles quand ils leur raconteront cette formidable aventure !

Chacun ses goûts

Situation proposée par Louisa Biron-Sire:
Louna et Emilie participent au concours du meilleur gâteau du village.

Emilie et Louna n’avaient pas imaginé qu’il serait si difficile de se mettre d’accord sur une recette lorsqu’elles s’étaient inscrites au concours du meilleur gâteau du village. Voilà déjà deux heures qu’elles se creusent la tête, le nez dans les livres de cuisine, sans rien trouver qui leur convienne. Elles sont si absorbées par leurs recherches, qu’elles ne remarquent pas le chat Rayonyon, lorsqu’il grimpe sur la table pour s’y installer. Seulement, quand il leur propose sa recette de cake chocolat-sardines, les deux fillettes sursautent. Elles dévisagent le chat, puis se regardent. Une fois la surprise passée, elles le remercient chaleureusement, mais déclinent son offre, en retenant une moue de dégoût.

– Vous avez tort, c’est excellent ! S’exclame Rayonyon, un peu vexé.

Le chat hausse les épaules puis se roule en boule tout contre Emilie. Alors que Louna, découragée, soupire bruyamment, un pinson posé sur le rebord de la fenêtre, se racle la gorge pour attirer leur attention. Louna, Emilie et le chat, se tournent vers lui d’un seul mouvement. C’est alors qu’il leur dit :

– Si vous voulez mon avis, vous ferez un malheur avec une crème brulée aux vers de terre.

Rayonyon, dressé sur ses pattes, prêt à bondir sur l’oiseau, est retenu par la main de Louna, qui répond gentiment à l’oiseau :

– Merci beaucoup pour cette merveilleuse suggestion, mais je ne crois pas que le village soit prêt pour une telle originalité.

– Non, poursuit Emilie, il nous faut une recette un peu plus classique…

– Moi, je sais, intervient Gaspard, le frère de Louna, en entrant dans la cuisine. Je sais ! Vous pourriez faire une pièce montée en glace à la fraise. Une gigantesque pièce montée de glace ! Trois mètres de haut ! Je vous aide, si vous voulez.

Les deux filles lui sourient. Elles adorent l’idée, seulement, ce serait bien trop périlleux de présenter une glace le jour du concours. Elle risquerait de fondre à vue d’oeil. Et puis, les fraises du jardin ne sont pas encore tout à fait mûres.

– Par contre, dit Tante Annette en passant la tête par la fenêtre, tout à côté du pinson, les cerises de votre Grand-Père sont magnifiques ! Surtout, il connaît une recette de Charlotte savoureuse.

– Parfait ! Allons lui demander ! S’écrient Emilie et Louna en cœur, tandis que Rayonyon s’approche dangereusement du pinson, qui préfère s’envoler.

Ainsi, grâce aux précieux conseils de Grand-Père, la meilleure Charlotte aux cerises de Kercaudan sera cuisinée dans la bonne humeur. Mais n’oublions pas l’aide inestimable qu’apportera le chat Rayonyon, passé maître dans l’art du dénoyautage des cerises.