Un point c’est tout

Un point tracé au loin, comme un but à atteindre. Un peu myope, les yeux embués de larmes, on le voit vibrer d’une palpitation incertaine. On doute alors d’y parvenir jamais. Pourtant, on se concentre fort, pour tenir la ligne que l’on croit tracée entre lui et nous. Et on remonte le fil, la pente, on suit les rails. Et quoi ? Sans que l’on sache, ou au contraire sachant très bien d’où il sort, un imbécile vient nous faire un croche-pied, puis nous suit en ricanant pendant qu’on essaie tant bien que mal de reprendre son équilibre pour ne pas s’affaler au sol, la tête la première. Sombre idiot qui nous dépasse et se rabat en queue de poisson en nous toisant avec un aplomb invraisemblable. Là, on s’arrête et on le dévisage, sidéré par le rire cruel qui lui secoue tout le corps.

On n’a jamais trouvé ça très poli, mais on se dit soudain, à part soi, quand il faut, il faut. Alors un peu remonté, prenant le temps de préparer son coup, on rumine en silence et le moment venu, quand il ne s’y attend plus, on rassemble toute sa colère pour lui cracher à la figure. Un feu d’artifice postillonnant qui le laisse interdit. On n’en est pas très fier, mais quand même, on admet que ça soulage. Alors quand il s’éloigne, penaud, le point tracé au loin redevient paysage et sans que l’on sache très bien pourquoi, on se remet en route.