Tu croyais ça, toi, comme dans les livres, le type qui monte au créneau dès qu’il est question de te sauver d’un danger ? Mais quel est le plus grand danger qu’on ait jamais agité sous ton nez ? Dis-moi, toi qui batailles depuis ton premier jour, de quoi as-tu peur, vraiment ? A part, peut-être, de ton vieux prince dégarni, qui chaque fois qu’il part en campagne, t’annonce que ce sera la dernière et que, certainement, il ne reviendra pas, sans jamais t’en dire davantage. Il te laisse imaginer le gouffre qui l’attire, bien incapable de distinguer le vrai du faux dans les contradictions qui l’animent. Et pour quoi ?, si ce n’est pour qu’encore une fois, toi, tu te battes, corps et âme, pour qu’il revienne, persuadé qu’il est l’élu, le seul et l’unique, le valeureux. Il reviendra, encore, peut-être, et ne te concèdera rien que cette illusion du devoir accompli, te laissant seule face aux ombres qui le dévorent, te laissant seule face à celles qui te rongent. Alors, un jour, fatiguée, il te faudra déposer les armes pour reprendre ton souffle. Tu ne t’étonneras pas alors, non, qu’il en profite pour se perdre loin, là où tu ne peux plus l’atteindre. Ce jour-là, cillant confusément, tu finiras par ouvrir les yeux et alors peut-être, tu comprendras qu’il te faut changer d’histoire.