Presque 7h. Avec ce temps, elle aurait dû partir une dizaine de minutes plus tôt. Elle réenclenche l’assistance électrique dans la dernière montée. Des bourrasques de pluie lui balaient le visage. Elle sent les gouttes s’infiltrer sous sa capuche et glisser le long de son cou. Après 15 kilomètres, elle est étonnée de ne pas être trempée jusqu’aux os. Elle fait un écart pour doubler deux trottinettes. Probablement Henri et Zitka, méconnaissables sous leurs casques à visières. Elle s’en veut de penser qu’elle ne sera pas la dernière arrivée. Elle tourne à droite et descend de son vélo, une fois atteint le bout de l’impasse. Elle pose la main sur le capteur pour déclencher l’ouverture de la grille. Elle poursuit à pied jusqu’à l’emplacement qui lui est réservé. Le box se referme automatiquement derrière elle. La pluie redouble, mais elle ne s’en soucie plus. Elle réalise que dans quelques semaines, elle devra parcourir deux fois plus de distance chaque jour. Elle n’a pas vraiment eu le choix. L’augmentation des loyers autour de la métropole l’a repoussée vers des faubourgs impersonnels. Avec le début de cette nouvelle saison qui ressemble à une mousson, elle entrevoit les mois difficiles qui s’annoncent. Elle effleure un nouveau capteur du bout des doigts, qui lui donne accès au sas d’entrée. Elle doit ensuite décliner son identité dans un micro tout juste visible, enchâssé dans le mur du fond. Une nouvelle série de portes l’entraîne jusqu’à son vestiaire. Elle retire sa cape qui ruisselle encore d’une eau qu’elle peine à décrire. Les dernières analyses publiées par la ville ne sont pas bonnes. Elle se change rapidement, les autres doivent l’attendre sur le quai. Une fois enfilée sa combinaison, elle emprunte un nouveau dédale de couloirs, descend des escaliers pour rejoindre un groupe de scaphandriers sur la plate-forme. Elle salue chacun d’un geste de la main. Ils se ressemblent tous dans ces uniformes inconfortables. Ils s’avancent les uns à la suite des autres sur le monte-charge qui va les entraîner jusqu’au lit de la Loire. Ils vont ensuite le parcourir sur des kilomètres, entassés dans des wagons qui les mèneront sur leurs lieux d’intervention. Chacun sillonnera l’espace qui lui aura été attribué afin d’en retirer chaque détritus, le plus infime soit-il. Au moment où l’eau atteint son casque, elle regrette presque ce long trajet sous la pluie. Quels temps !