Elle entrouvre la petite porte avec précaution. Ce matin encore, la boîte est vide. Elle laisse passer quelques instants, la main suspendue à la clé. Elle referme la porte, la verrouille et retire la clé qui accroche toujours un peu dans la serrure. Elle se demande même si elle ne va pas rester bloquée, un de ces jours. Il faut la faire jouer très légèrement pour trouver l’alignement juste, qui permettra de la dégager. Elle se croise dans le miroir du hall et se trouve une mine affreuse. Elle remonte les escaliers lentement. Elle n’est pas déçue car elle s’y attendait. Elle est simplement triste d’avoir eu raison. Plus de trois semaines qu’elle aurait dû recevoir ce courrier et toujours rien. Elle a beau savoir que la situation n’est pas favorable, elle trouve que ça a trop duré. Il jure qu’il l’a choisie, écrite, mise sous enveloppe. Il n’en démord pas, il a écrit l’adresse lisiblement, l’a affranchie comme il faut et l’a lui-même glissée dans la boîte aux lettres du bureau de poste. Elle le croit. Il n’a aucune raison de lui raconter des histoires. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il lui écrive. S’il ne lui en avait pas parlé, jamais elle ne serait descendue chaque matin dans l’espoir que cette fameuse carte soit arrivée. Elle ne peut que le croire. Mais elle est persuadée qu’il ment. C’est plus fort qu’elle. Une carte ? Pourquoi ? Pour réduire la distance qui nous sépare. C’est ce qu’il lui répond quand le sujet vient immanquablement dans la conversation. C’est devenu un passage incontournable, qu’elle finit par redouter. Chaque soir, durant les longues heures qu’ils passent au téléphone, il lui pose cette même question, d’un ton presque anodin. Au fait, ma carte est arrivée ? Elle ne sait plus comment lui dire que non, que c’est certainement normal, mais que ça devient long, trop long. Elle ne lui dit pas, que l’attente en devient insupportable. Elle adore les cartes, les lettres, ouvrir une enveloppe, toucher le papier, l’écriture manuscrite, mais là, elle va lui demander de lui écrire un mail. Ça aidera peut-être à tromper l’attente. Peut-être.