Points de suspension…

Comme chaque matin, ces dernières semaines, elle s’installe devant son bureau pour allumer son ordinateur. La fenêtre est ouverte et les sons de la rue montent jusqu’à elle : des voix couvertes, de loin en loin, par le passage de voitures, puis, traversant ce paysage, le cri d’une mouette, rapidement remplacé par des chants d’oiseaux plus discrets. Après avoir parcouru distraitement ses messages électroniques, elle ouvre le document sur lequel plusieurs dizaines de textes s’alignent. Elle a un geste d’impatience face à la lenteur du logiciel à se mettre en route. Pourtant, rien ne presse. Elle parcourt la pièce du regard, pour tromper son agacement, puis revient vers son écran. Les lignes s’affichent enfin. Elle complète le dernier texte, commencé la veille, avant d’en faire une relecture attentive. Elle reformule cette phrase qui accroche, modifie ce mot que l’on retrouve à deux lignes d’intervalle. Elle change un accord, puis rectifie un accent. Elle vérifie l’orthographe de cet adjectif, qui ne lui revient jamais. En regardant le curseur clignoter à la suite d’une virgule, elle songe à ces personnages qui l’ont accompagnée, au fil des jours, durant près de deux mois. Elle se remémore leurs histoires, qui lui ont été soufflées par ces mille sensations qui nous ont traversés, les uns et les autres, durant cette incroyable période. Elle sait que rien n’est fini, mais qu’un nouveau chapitre doit s’ouvrir. Elle ignore encore de quoi il sera fait. Elle pense à celles et ceux qui auront donné corps à ces récits, de l’autre côté de ce miroir, et qu’elle ne saura jamais assez remercier au moment de tracer, sans transition, ce signe de conclusion…