Tour d’ivoire

C’est moche une tour, on ne peut pas dire. Même quand ça se veut le fleuron de l’architecture moderne, c’est laid. Alors oui, puissance, prouesses techniques, blablabla. Je sais, la plus grande construction du monde fait plus de 7 fois la taille de l’arbre le plus élevé qui existe. Parfait, on fait pipi plus haut, mais c’est moche, un point c’est tout. A dimension égale, un arbre aurait certainement bien plus d’allure, avec une envergure incroyable. Parce que la nature, elle n’entasse pas des dizaines de milliers de nids dans ses étages, elle ne cloisonne pas, elle ouvre. Parce qu’on se marche quand même les uns sur les autres, entassés sur nos quelques bouts de kilomètres carrés, il ne faut pas l’oublier. En ce moment, c’est pire que tout. Je les sens, tous, au dessus. Quand je suis trop oppressé, j’ouvre la fenêtre pour respirer à fond. Pourtant, ça ne change rien, il y a ceux d’en face qui me bouchent l’horizon. J’étouffe.

Je fais souvent le malin quand l’ascenseur est en panne et que je croise les voisins qui montent au 10ème, au 13ème, voire pire. Je me souviens de ce couple qui partait en vacances que j’avais regardé faire une bonne dizaine d’allers-retours les bras chargés de sacs, de matériel de camping. Pour être tout à fait honnête, je dois avouer que ça m’avait fait marrer. Je m’étais même dit que ça leur faisait les pieds. Je crois que j’étais un peu aigri, je ne partais pas cet été là. J’étais content de moi, avec mes deux étages que je montais par l’escalier plusieurs fois par jour. Je me prenais pour un grand sportif. Mais là, je crois que je donnerais tout pour habiter au dernier étage, même sans ascenseur. Voir loin, c’est tout ce que je demande.