Elle est assise sur le canapé face à son ordinateur posé sur la table basse. Sa jambe gauche s’agite nerveusement. Elle les écoute se couper la parole, redire les mêmes choses les uns après les autres, chacun avec ses propres mots. Deux heures de réunion hachurée qui tourne au chaos car tout le monde finit par parler en même temps. Elle n’en peut plus. Elle lève la main pour tenter d’obtenir la parole. Elle ne sait pas qui regarde qui à travers son petit rectangle vidéo. Elle ne peut que deviner certains échanges sans comprendre comment chaque interlocuteur sait qu’on s’adresse à lui en particulier.
– S’il vous plaît !
Les conversations se poursuivent sans que personne ne semble l’entendre. Elle agite la main plus largement.
– Ouh, ouh ! Vous me voyez ? Vous m’entendez ?
Personne ne fait attention à ses gesticulations.
– S’il vous plaît ! Merde !
Elle est la première surprise du ton qu’elle emploie. Les autres la regardent stupéfaits, ou contrariés. Elle se sent mal à l’aise car elle perd rarement son calme, surtout en public. Mais au moins, elle a la parole.
– Désolée, mais ça me rend chèvre ces réunions à distance. Je sais qu’on fait tous notre maximum dans ce contexte, mais…
Ils sont plusieurs à hocher la tête en signe de compréhension.
– Je crois qu’on peut conclure, si ça vous va. J’ai l’impression qu’on se répète beaucoup alors que tout est déjà dit. Je ne pense pas pouvoir tenir plus longtemps si rien de nouveau n’émerge. Vous êtes d’accord ?
Les têtes s’inclinent.
– Oui, tu…
– C’est vrai…
– … en même temps si…
– … si tu veux, on…
Elle se lève en retenant un soupire et se dirige vers la fenêtre. Le ciel est d’un bleu d’une densité incroyable.
– Julie ?
– Tu es là ?
– … va bien ?
Elle se replace dans le champ de la caméra de l’ordinateur.
– Oui, pardon, tout va bien. Donc, si je résume : pas de rassemblements, les pétitions sont déjà en ligne, des mails réguliers mais espacés sinon ça devient invasif et on cherche de nouveaux moyens de mobiliser. Chacun a bien en tête ce dont il doit s’occuper ? Sinon, on peut se référer au compte-rendu de Raphaël. Raphaël ?
– Oui, oui je vous envoie ça demain, sans faute.
– Très bien… On se retrouve la semaine prochaine à la même heure ?